jeudi 19 août 2010

La vie de bohème - Kaurismaki




Un écrivain, un peintre et un musicien se rencontrent par hasard et par nécessité, locataires peu fiables qui se succèdent, clients fraternels qui partagent un plat de brasserie. Leur vie de bohème a l'amertume du prix à payer pour vivre en cohérence avec ce qu'ils sont : l'argent manque et même lorsqu'il est là, sonnant et trébuchant, il annonce déjà la précarité de ceux qui le dépensent sans organisation ni sens des priorités, au service d'une belle vie éphémère qui n'assure pas les bases de la survie. Mais quel intérêt y aurait-il à manger pour survivre, à se loger pour réchauffer un corps ? La vie de bohème brise l'apparente évidence des vies rangées, jusqu'à l'excès elle substitue à la stabilité et au confort la précarité et l'insouciance. S'il y a de la nourriture elle doit être belle, elle ne doit pas avoir la modestie du compromis ou la tristesse de la misère ; cette exigence d'esthète est aussi celle de Kaurismaki, de son cinéma que l'on dirait fait de belles gravures animées, d'un dépouillement qui n'est plus tant une insuffisance qu'une façon, pas comme une autre, d'être. L'essentiel émerge lorsque les structures matérielles reines déclinent : l'étrange amitié des trois artistes, leur entraide naturelle et l'amour de Mimi, amour déroutant et crasseux qui se savoure et se comprend précisément dans ce dénuement. 

La vie de bohème ne dit rien ni ne propose aucun modèle : il n'y a pas de génie dans les tableaux du peintre ou dans les lignes de l'écrivain, il n'y a au fond aucune raison d'admirer leur dévouement borné d'artistes, c'est de leur liberté dont nous parle Kaurismaki, une liberté douce et amère dans laquelle l'homme ne s'oublie pas lui-même.

2 commentaires:

  1. Vous ne faites pas mention de l'humour absurde du film, de son sens du faux rythme et du comique à plat. C'est pourtant, me semble-t-il, ce qui sauve les personnages de leur demi-misère dépressive, cette sorte de nonchalance désabusée qui leur fait prononcer des paroles parfois magnifiques, malgré leurs échecs continuels.

    "La Vie de Bohème" a une joliesse dans le désespoir, malgré un parfum un peu éventé, façon bière tiède. Le film va clopin-clopant, en déséquilibre mais garde une tendresse pour ses non-héros.

    En bref, je vous trouve un peu dur, un peu sérieuse. D'autant, et ça m'a frappé, vous écrivez sur ces personnages comme s'ils existaient vraiment !

    Je vous recommande "Les Leningrad Cowboy rencontrent Moïse" du même réalisateur, un film malheureusement peu connu et réjouissant d' idiotie lumineuse. Mais il n'est pas certain que vous aimiez, car Kaurismaki creuse toujours le même sillon, c'est son style un peu minimaliste qui veut ça.

    Bien à vous.

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  2. "vous écrivez sur ces personnages comme s'ils existaient vraiment !", c'est bizarre de dire ça, bien sûr qu'on parle et qu'on juge des personnages comme s'ils existaient, on les juge comme on juge des attitudes devant la vie des "vrais" gens.

    Juliette n'est pas sérieuse, elle cartonne studieusement. Un mot finirait de résumer ce film : un dandysme à tout épreuve qui prend la forme de leur inconséquence, de leur propension au superflu comme profondeur. Ils aimeraient "avoir envie" au lieu d'"avoir besoin".

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